Peut-on renoncer aux réseaux sociaux ?
Voilà des mois que je vous distille ici et là mon questionnement grandissant sur l'usage des réseaux sociaux, et plus particulièrement instagram qui est mon seul réseau social créé pour mon entreprise il y a plus de 5 ans. Avant cela, je n'ai jamais eu aucun réseau social, pas même facebook ou linkedin. J'ai réussi, au prix de nombreuses remarques, à y échapper adolescente et en étant salariée.
En revanche, en lançant mon entreprise, la "vitrine" instagram semblait indispensable. Et je ne vais pas le cacher : elle l'a été. Une grande partie de ma clientèle vient toujours à ce jour d'instagram, de manière directe ou indirecte. Le bouche à oreille est bien souvent validé par instagram au bout du compte "tu devrais aller voir untel-untelle, voici son compte insta". Les recommandations se finalisent souvent comme ça, je pense que peu de personnes ont le réflexe des sites internet. Pourtant, je peux vous le dire, mon site je le chéris et je le mets à jour en permanence. C'est le jeu, instagram est devenu LA référence. Pourtant, cela demeure une relation amour/haine ! Et cela ne date pas d'hier...
Insta burn-out
Début 2021, au cours d'une digital detox de 4 mois (après seulement deux ans d'utilisation de l'application) je publiais un constat que j'ai nommé "insta burn-out" qui résonnait fort avec beaucoup d'entre vous. Comble de l'ironie : cette publication m'a offert de profondes amitiés, débutées sur instagram et concrétisées par des vacances entre amix. N'est-ce pas ingrat de médire ce réseau ? Alors même qu'il m'offre :
un support de communication efficace (et simple d'usage de par son uniformisation) (mais l'uniformisation peut aussi être source de comparaison toxique...)
une clientèle fidèle
des échanges enrichissants (et la rapidité de m'informer, aujourd'hui instagram est devenu pour beaucoup une source d'informations, ce qui est par ailleurs très problématique dans le cadre de diffusions de fake news...)
du divertissement aussi disons-le !
des collaborations professionnelles alignées
et même les amitiés les plus sincères
Une saturation de plus
En ce mois de décembre 2024, pour la première fois en bientôt 6 ans d'usage d'instagram : j'ai publié tous les jours pour révéler les surprises du calendrier de l'avent. Cet objectif, je l'ai tenu pour moi avant tout je l'avoue, pour garder une trace de ce premier calendrier créé. J'avais envie de pouvoir me le remémorer ! (et si vous avez envie de découvrir son contenu il y a 24 reels pour les découvrir)
Bien que j’ai apprécié l’exercice créatif de la création de contenus pour faire découvrir les surprises du calendrier de l’avent, ma présence quotidienne sur instagram m’a fait arriver à saturation de mon temps d’écran. Étant abonnée à de nombreux comptes militants, en ouvrant l’application, j’étais quotidiennement confrontée à une actualité et des images sordides. A chaque ouverture de l’application, la première image me sautait aux yeux sans que j’ai la volonté de consulter ce contenu-là. Ce qui allait à contre-courant de mon intention pour le mois de décembre : avec le calendrier de l’avent je souhaitais réinvestir l’espace de la féérie de l’émerveillement de l’âme d’enfant ! Comment faire cohabiter la beauté et la laideur ? Difficile pour le cerveau (le mien en tout cas), de jongler entre les jolies fééries de l’esprit des fêtes de fin d’année et l’horreur de l’actualité.
J’ai saisi l’opportunité des vacances de fin d’année pour beaucoup pour m’éclipser des réseaux sociaux. Je me suis dit que c’était le moment où jamais pour ne pas “le payer” trop cher par la suite. Quand on a une entreprise qu’on gère seule de A à Z, se passer de communication est, pour le dire grossièrement, casse-gueule. C’est prendre le risque d’être mise dans l’ombre par l’application. Lorsque instagram est sa vitrine unique, il y a un impact immédiat sur son chiffre d’affaires. Je le sais, si je m’absente 3 semaines, il me faudra au moins 6 semaines pour espérer regagner une visibilité modérée. Malgré tout, je prends le risque car cette injonction à la régularité sur les réseaux : je n’en peux plus ! J’ai l’impression d’y dilapider mon temps et mon énergie. Je ne veux pas paraître ingrate de tout ce qu’instagram m’apporte, notamment de belles rencontres. Mais le prix à payer pour ma santé mentale est trop élevé ! Après seulement quelques jours sans instagram, je ressens déjà les bienfaits :
la sensation de récupérer en espace mental
retrouver du temps de qualité
avoir moins de fatigue oculaire
me sentir moins polluée par l’abondance d’images et réinvestir mon propre espace de créativité
limiter l’éco-anxiété
échapper au brouhaha général pour parvenir à nourrir mon propre esprit-critique
L’ère du commentaire
Les réseaux sociaux ont contribué selon moi à généraliser l’absence d’esprit critique de part l’uniformisation des contenus mais aussi avec, ce que je nommerai, l’ère du commentaire ! Tout le monde y va de son petit commentaire pour tout, sans toujours connaître les enjeux, les arguments manquent et nous finissons avec le simple ressenti de tout-un-chacun. Tout cela participe à un brouhaha général pas toujours pertinent… L’avantage néanmoins, lorsque la volonté de dialoguer est là, c’est que des discussions enrichissantes peuvent naître en privé.
Archiver sa vie
Au delà de tisser du lien avec de potentiels clients ou collaborateurs, instagram c'est aussi (voire surtout) une banque d'archives (dans mon cas professionnel, mais elle est pour la majorité des utilisateurices une banque d'archives personnelles). Et n'est-ce pas problématique de laisser ce contenu à la merci d'une application dont on a l'usage gratuit ? Nous connaissons le vrai coût de la gratuité : nos informations sont revendues et exploitées. Nous ne maîtrisons rien sur les usages, lorsque les algorithmes changent, lorsque les nouveaux formats sont imposés, les anciens sont supprimés (préparez-vous : le célèbre carré d'instagram va bientôt disparaître !)
Cette année, j'ai constaté qu'une partie de mes stories archivées a été supprimées par instagram, un problème technique les a rendu irrécupérables à priori. Dans la mesure où il s'agit de contenu professionnel, ce n'est pas dramatique même si sur le coup j'étais contrariée d'avoir perdu des traces de l'évolution d'Oeil&Octave. Tout cela est venu réactiver des tonnes de questionnements :
et si toutes nos archives, tous nos contenus disparaissent sans prévenir ?
qu'est-ce que nos contenus disent de nous ? qu'est-ce que cela dit de nous de les donner à voir à de parfaits inconnus ?
à qui profitent-ils vraiment ? nous-mêmes pour nous valider ? à nos abonnés pour assouvir leur curiosité ? aux mastodontes capitalistes pour faire du profit ?
en vient-on à romantiser sa vie pour créer des contenus toujours plus attractifs ?
sommes-nous en train de capitaliser sur notre vie privée ?
Capitaliser sa vie privée
Ce que je constate de la création de contenus qui fonctionne aujourd'hui, ce sont les formats mettant en scène la vie privée (vlog lifestyle, story de vacances-voyages, carrousel photos dump...) que ce soit pour les métiers de l’influence comme ceux de l’artisanat ou n’importe quelle personne ayant une entreprise à valoriser.
Ces formats là créent le plus d'engagement, le plus de likes, de partages et à terme de la conversion monétaire. Pour cela, mettre en scène sa vie semble indispensable. Certain-es en viennent à romantiser leur vie, pour qu’elle soit esthétique, attractif, qu’elle vende du rêve ! Et cela créé pour certaines personnes une comparaison toxique. Lorsqu’on ne souhaite pas nourrir tout cela, comment faire pour trouver sa place sur les réseaux malgré tout ?
Rompre avec les algorithmes
J’aime les contenus longs, qui nécessitent de prendre le temps, de s’arrêter. Je considère que c’est un temps pour soi, comme un cadeau que l’on se fait, lorsqu’on s’octroie de lire un bon livre, je pense qu’il en devrait être de même pour consommer une vidéo ou un article. Aussi je ne me reconnais pas dans la consommation de reels toujours plus courts (4 secondes étant la durée d’attention moyenne aujourd’hui, il faut interpeller son auditoire au plus vite) et je me questionne sur la dépendance aux algorithmes.
Cela implique de jouer le jeu qui nous est imposé ! J’ai envie de créer du contenu qui me ressemble, que j’aime créer et que j’aime consommer. Aussi, il me semble donc important d’être reine en son propre royaume et profiter d’avoir mon propre recoin d’internet avec mon site pour ne pas dépendre à 100% d’une plateforme qui impose les formats et les sujets (pour récolter du like).
Sans quitter définitivement instagram, j’ai décidé de préparer progressivement ma sortie. De trouver des formats qui me plaisent tant à consommer chez les autres, qu’à créer pour moi. De maîtriser mon propre espace (et ainsi archiver chez moi mes contenus pour ne pas être totalement dépendante et impuissante en cas de perte). D’explorer à mon rythme, sans impératifs de régularité, de fréquences, de formats. Je sais que c’est à la marge et je n’espère rien révolutionner quant à la consommation de contenus sur internet, j’espère avant tout retrouver du sens dans ma propre présence sur internet, avec ou sans réseaux. Si cela contribue à semer des graines chez vous, c’est encore mieux ! Je vous en parlerai début 2025, je prépare un nouvel espace de partages, de discussions, non soumis aux algorithmes ou à une quelconque application.
Le sujet est vaste et je n’ai fait que l’effleurer en déposant, un peu en vrac, des idées que j’aimerais développer davantage. Je continuerai d’alimenter cette réflexion ici, et si vous souhaitez ajouter votre pierre à l’édifice, je serai heureuse de vous lire !